Sous la douche, je repensais à une conversation que j'ai eue hier avec ma soeur. J'avais trouvé le terme à la recherche duquel j'avais tâtonné pendant 50 minutes. C'était le terme qui nous manquait pour s'identifier, un terme novateur qui aurait désigné une réalité sociale inexistante. Mais voilà, fière de moi, je regarde sur google, et ce terme a déjà été utilisé pour désigner la problématique qui m'intéressait. Vous savez, on classe les étrangers suivant qu'ils sont de première, ou de seconde génération. Genre, mes parents sont des étrangers de première génération, et mon frère, arrivé ici vers 3 ans, est un étranger de seconde génération. Je suis aussi de seconde génération, officiellement, et ma soeur de première. C'est des histoires d'âge, très arbitraires bien sûr, mais évidemment nécessaires pour l'administration qui ne se soucie pas des sentiments qu'on éprouve.
Le terme existe, je n'invente rien : je suis une étrangère de la première génération et demie. Euh... j'étais. Pendant une petite dizaine d'années, j'étais enfant d'expatriés. Puis je suis devenue immigrée, immigrante de la première génération et demie. Ma soeur aurait évoqué une génération sacrifiée. Mais ça m'emmerde de m'envisager sacrifiée. Je préfère me voir négligée, oubliée : loin d'un rite sacré, quoi, juste posée là et voilà, le sacrifice répond trop à une idée de but à atteindre par là.
L'étranger de la première génération et demie n'a aucun pays. Sur NOS monts laissez moi rire. L'étranger de la première génération et demie ne partage les références communes de personne. Il a des souvenirs d'enfance du pays qu'il a quitté. Il n'en comprend pas le fonctionnement, n'en a pas la culture. Il en a la famille, les parents, certaines références reproduites. Il ne soupe pas, il dîne, et ça ne changera jamais, par exemple. Par ailleurs, l'étranger de la première génération et demie n'appartient pas à son pays d'immigration, peu importe qu'il en ait pris la nationalité. Il n'en a pas la culture. Il essaie de l'acquérir, il s'y heurte. Il oscille perpétuellement entre deux systèmes de valeurs. Ses parents sont critiques. Avec la langue notamment (biais très franco-français ici), il ne doit utiliser le parler régional. Préserver la belle langue en somme. Sûrement que l'étranger de la première génération et demie se doit de rassurer ses parents. Oui oui, on est à la maison. Pour faire un véritable étranger de première génération et demie, il ne doit pas fréquenter l'école publique.
Pendant ce temps, l'étranger de deuxième génération peut adopter un bon accent local et on ne lui dit rien. Il s'intègre, on dit, comme la confirmation que certains ont droit, d'autres non. Pour rassurer.
L'étranger de première génération et demie est un test. Où ira-t-il, que fera-t-il ? Personne n'en sait rien, et le résultat n'est intéressant qu'en vue de critique. Ses parents demanderont à l'étranger : "Mais pourquoi n'as-tu pas fait une grande école, au pays ?". Simplement parce qu'on ne lui en a jamais parlé. Le système scolaire du pays, il n'y connaissait rien. Et d'ailleurs, même s'il avait voulu, il n'y aurait jamais été admis. Il a fait ce qu'il connaissait, l'étranger. Ce dont on lui parlait. La seule voie envisageable, je vous assure. Il a passé son bac et il a eu 12. Il a étudié à l'université. Il n'a pas fait de prépa, il n'a pas passé de concours, il n'étudie pas dans une grande école de commerce. On ne lui en avait jamais parlé, avant que tous les cousins, au pays, prennent cette voix.
Il est hors de trois nations l'étranger de première génération et demie : l'ancienne, la famille et la nouvelle. C'est la triple contrainte de l'étranger de première génération et demie : il sera obligatoirement en contradiction avec les normes du pays d'origine, avec les références familiales basées sur les normes du pays d'origine, et avec celles du pays d'accueil : "Pourquoi étiez-vous dans une école privée ?". Hahaha. Voilà.
L'étranger de première génération et demie est jaloux. Il est jaloux de l'étranger de seconde génération. Il est jaloux du non étranger, qu'il soit du pays d'origine, ou du pays d'accueil. Il est même jaloux de l'étranger de première génération (ou il lui en veut).
Voici le contenu de ma névrose. J'y pense depuis un certain temps.
La vie en résidence d'étudiants expose souvent à la question d'où tu viens ?
Je ne sais pas y répondre.
Le terme existe, je n'invente rien : je suis une étrangère de la première génération et demie. Euh... j'étais. Pendant une petite dizaine d'années, j'étais enfant d'expatriés. Puis je suis devenue immigrée, immigrante de la première génération et demie. Ma soeur aurait évoqué une génération sacrifiée. Mais ça m'emmerde de m'envisager sacrifiée. Je préfère me voir négligée, oubliée : loin d'un rite sacré, quoi, juste posée là et voilà, le sacrifice répond trop à une idée de but à atteindre par là.
L'étranger de la première génération et demie n'a aucun pays. Sur NOS monts laissez moi rire. L'étranger de la première génération et demie ne partage les références communes de personne. Il a des souvenirs d'enfance du pays qu'il a quitté. Il n'en comprend pas le fonctionnement, n'en a pas la culture. Il en a la famille, les parents, certaines références reproduites. Il ne soupe pas, il dîne, et ça ne changera jamais, par exemple. Par ailleurs, l'étranger de la première génération et demie n'appartient pas à son pays d'immigration, peu importe qu'il en ait pris la nationalité. Il n'en a pas la culture. Il essaie de l'acquérir, il s'y heurte. Il oscille perpétuellement entre deux systèmes de valeurs. Ses parents sont critiques. Avec la langue notamment (biais très franco-français ici), il ne doit utiliser le parler régional. Préserver la belle langue en somme. Sûrement que l'étranger de la première génération et demie se doit de rassurer ses parents. Oui oui, on est à la maison. Pour faire un véritable étranger de première génération et demie, il ne doit pas fréquenter l'école publique.
Pendant ce temps, l'étranger de deuxième génération peut adopter un bon accent local et on ne lui dit rien. Il s'intègre, on dit, comme la confirmation que certains ont droit, d'autres non. Pour rassurer.
L'étranger de première génération et demie est un test. Où ira-t-il, que fera-t-il ? Personne n'en sait rien, et le résultat n'est intéressant qu'en vue de critique. Ses parents demanderont à l'étranger : "Mais pourquoi n'as-tu pas fait une grande école, au pays ?". Simplement parce qu'on ne lui en a jamais parlé. Le système scolaire du pays, il n'y connaissait rien. Et d'ailleurs, même s'il avait voulu, il n'y aurait jamais été admis. Il a fait ce qu'il connaissait, l'étranger. Ce dont on lui parlait. La seule voie envisageable, je vous assure. Il a passé son bac et il a eu 12. Il a étudié à l'université. Il n'a pas fait de prépa, il n'a pas passé de concours, il n'étudie pas dans une grande école de commerce. On ne lui en avait jamais parlé, avant que tous les cousins, au pays, prennent cette voix.
Il est hors de trois nations l'étranger de première génération et demie : l'ancienne, la famille et la nouvelle. C'est la triple contrainte de l'étranger de première génération et demie : il sera obligatoirement en contradiction avec les normes du pays d'origine, avec les références familiales basées sur les normes du pays d'origine, et avec celles du pays d'accueil : "Pourquoi étiez-vous dans une école privée ?". Hahaha. Voilà.
L'étranger de première génération et demie est jaloux. Il est jaloux de l'étranger de seconde génération. Il est jaloux du non étranger, qu'il soit du pays d'origine, ou du pays d'accueil. Il est même jaloux de l'étranger de première génération (ou il lui en veut).
Voici le contenu de ma névrose. J'y pense depuis un certain temps.
La vie en résidence d'étudiants expose souvent à la question d'où tu viens ?
Je ne sais pas y répondre.
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