Il y a des moments qui ne durent pas, mais qui ont tellement couru avant que les évènements qui s'y rapportent se déroulent, qu'ils semblent extraordinairement longs.
Mercredi dernier, j'ai dit, Maman, j'veux plus, j'peux plus, j'veux arrêter. Jeudi, je suis allée en cours. J'ai récupéré le test d'algèbre dont je pensais que la note m'aiderait à décider. Je l'ai réussi. Sur le coup, ça m'a fait plaisir, mais pas plus. Pas de grande illumination. Je n'abandonne pas sur un échec.
Alors jeudi, j'ai dit, Maman, c'est vrai, je veux arrêter mes études, en faire d'autres. Mais plus celles-là. Au cinéma, jeudi soir, j'ai dit à V. que j'arrêtais. Ce qu'il en pense, V., je n'en sais rien. Rien de bon, j'imagine. Et moi, je l'aime V., et j'ai peur de le perdre avec mes conneries, avec ma faiblesse, avec cet abandon.
Vendredi matin, quand j'ai eu fini ma valise, j'ai écrit un mail à A. et C., et je leur ai dit, aussi.
Chut... ne le répétez pas, mais j'ai failli pleurer, vendredi soir quand j'étais dans la voiture avec mes parents et que l'une après l'autre elles m'ont appelée.
Mon père, il n'a rien dit. Rien à moi. Ma mère lui a parlé. Mon frère qui était là m'a dit combien il avait été déçu, mon père qui était si fier des études que je faisais. Ma mère lui a dit qu'au moins j'avais eu le courage de le leur annoncer.
Ici, en France, j'ai menti à toute la famille, parce que ni l'un ni l'autre de mes parents ne se sentaient le courage de passer un Noël à entendre répéter combien ils avaient échoué avec mon éducation, ou de quelle façon leur choix de s'expatrier est responsable de mes errances.
Parce qu'il faut rivaliser, du côté de mon père, avec les écoles de commerce qu'ils font tous, le bel avenir auquel chacun d'entre eux est destiné, quand ce n'est pas les 17/20 de moyenne de mes cousines au lycée qu'on ressort entre chaque coupe de champagne.
Et c'est en répétant, oui, oui, j'aime ça, sauf un peu les maths et la physique, que je me rends compte, encore plus, que je n'ai fait que me mentir à moi même depuis deux ans et quelques.
Il n'y a qu'une fois par an que je peux me bourrer la gueule au champagne, et critiquer le foie gras maison de l'une ou l'autre de mes tantes, pas assez cuit ou mal dénervé... alors je ne regrette pas mes mensonges, quand pourtant la révélation aurait pu faire de moi le grand sujet des réveillons, puisque j'ai pu en profiter tranquillement.
Je l'ai fait. J'ai pris la première grande décision de ma vie. Je suis sortie de mon rail.
Un certain épuisement, et une grande tension tant que je n'en ai pas parlé avec mon père. J'ai besoin de savoir ce que va être ma vie, avant la rentrée universitaire de septembre prochain. J'ai besoin de savoir s'il va m'en vouloir à vie d'avoir failli dans mon projet d'études qu'il affectionnait tant, j'ai besoin de savoir si mes parents vont continuer à me soutenir financièrement, j'ai besoin de savoir s'il accepte mon futur projet d'étude, j'ai besoin de savoir s'il va me faire une vie impossible pendant des années...
J'irais en Lettres à l'université, ou en sciences sociales et politiques, je veux faire du journalisme ou enseigner. Je veux écrire, aussi con ou prétentieux que ce souhait puisse avoir l'air d'être.
Et je ne veux plus jamais mettre trois ans à savoir ce que je veux.
Je ne dors pas très bien. J'ai peur de retourner vivre chez mes parents. J'ai peur d'entendre V. me dire qu'il préfère qu'on se sépare.
J'aimais bien mon chez moi Lausannois, j'y avais mes habitudes et je m'y sentais bien. J'y ai grandi beaucoup.
Mais je me sens beaucoup plus sûre de moi. Moins perdue. Décidée.
3 Comments:
Félicitations. Félicitations. Félicitations. Sincèrement. D'aller au bout de tes choix :)
Merci, même si je ne suis pas forcément sûre que ça mérite des félicitations..
Pour tes cours de physique, merci encore, je les ai bien reçus et ils m'ont pas mal aidée. Dès que j'ai une enveloppe assez grande, je te les renvoie.
ça presse pas hein, mon frère m'a juste demandé de les avoir pour son bac, donc y a encore quelques mois devant nous.
oui, ça mérite des félicitations. tu as assumé ta décision, malgré toutes les conséquences pas faciles pour toi. si ces études ne te correspondaient pas, ça veut pas dire que tu es bonne à rien. Ma foi, les gens pensent souvent que les lettres c'est moins bien que les sciences, mais c'est faux. Et tu as eu le courage de dire stop. d'autres se seraient laissés porter par le courant jusqu'à l'échec, et auraient alors DU changer de voie. Là, tu as CHOISI de changer de voie. C'est pour ça que je te félicite. Tu ne pars pas sur un échec, comme tu le dis si bien.
En plus, les études que tu faisais sont parmi les pires. Je sais, je fais médecine, c'est dur aussi. Mais je sais aussi que je n'aurais JAMAIS pu faire l'E...! Trop de physique, trop de math, trop d'abstrait. Faut etre passionné pour réussir. Tu ne l'es pas, ce que je comprends, franchement on s'en fout total des espaces vectoriels et autres conneries du genre, donc tu as raison d'arreter.
Tu as peut-être mis du temps à décider que ce n'était pas pour toi, mais c'est toujours mieux que continuer et s'ennuyer toute sa vie après ses études.
J'ai une tendance assez critique envers les gens qui font n'importe quoi de leurs études. Qui foutent rien, s'en foutent de redoubler, et pour qui les études c'est juste une facon de continuer à recevoir plein d'argent des parents. ce n'était clairement pas le cas pour toi. tu as essayé, reellement. tu pensais sincerement vouloir faire ça. donc ne sois pas trop dure envers toi-meme.
Bon courage pour la suite. Et surtout, j'espère pour toi que tu pourras revenir à Lausanne. C'est vrai qu'une fois que tu vis là-bas, que tu as ton indépendance, un retour chez les parents n'est pas facile.
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