28 décembre 2006

Est-ce que j'ai bien fait, ou pas ? Grande question, mais maintenant, c'est fait. J'ai bazardé tout ce qui a fait ma vie au cours des cinq derniers semestres. Une sensation de vertige. Désagréable. Très désagréable. J'ai peur. C'est sûrement normal.
Mon père considère que je suis en train de foutre ma vie en l'air. Renoncer à des études d'ingénieur pour choisir les lettres, aux débouchés incertains, ça lui fait mal, et je comprends. Et peur, pour moi, je pense, pour mon avenir qui sera sans doute plus difficile que si j'étais devenue ingénieure.
La suite va être difficile, revivre chez mes parents, sans être sûre que je ne devrais pas rester ici pour mes études, qui sont possibles aussi bien ici qu'à Lausanne, c'est triste. Je ne me suis jamais sentie bien ici, je n'ai jamais aimé cette ville. Il faudra bien que je m'y fasse, ou que je sois capable de m'assumer financièrement. Et je comprends, j'accepte. J'ai déjà de la chance. Beaucoup de chance.

J'ai rempli les papiers des cours par correspondance. Je dois résilier le bail de ma chambre. Je dois déménager. Je dois parler avec V..

Et je ne dois pas me plaindre. Je vis ce que j'ai choisi, alors que tout aurait été beaucoup plus simple si je n'avais pris aucune décision. Alors, un peu, quand même, je suis fière de moi, et du chemin parcouru en deux ans et demi.

27 décembre 2006

Il y a des moments qui ne durent pas, mais qui ont tellement couru avant que les évènements qui s'y rapportent se déroulent, qu'ils semblent extraordinairement longs.

Mercredi dernier, j'ai dit, Maman, j'veux plus, j'peux plus, j'veux arrêter. Jeudi, je suis allée en cours. J'ai récupéré le test d'algèbre dont je pensais que la note m'aiderait à décider. Je l'ai réussi. Sur le coup, ça m'a fait plaisir, mais pas plus. Pas de grande illumination. Je n'abandonne pas sur un échec.
Alors jeudi, j'ai dit, Maman, c'est vrai, je veux arrêter mes études, en faire d'autres. Mais plus celles-là. Au cinéma, jeudi soir, j'ai dit à V. que j'arrêtais. Ce qu'il en pense, V., je n'en sais rien. Rien de bon, j'imagine. Et moi, je l'aime V., et j'ai peur de le perdre avec mes conneries, avec ma faiblesse, avec cet abandon.
Vendredi matin, quand j'ai eu fini ma valise, j'ai écrit un mail à A. et C., et je leur ai dit, aussi.
Chut... ne le répétez pas, mais j'ai failli pleurer, vendredi soir quand j'étais dans la voiture avec mes parents et que l'une après l'autre elles m'ont appelée.

Mon père, il n'a rien dit. Rien à moi. Ma mère lui a parlé. Mon frère qui était là m'a dit combien il avait été déçu, mon père qui était si fier des études que je faisais. Ma mère lui a dit qu'au moins j'avais eu le courage de le leur annoncer.

Ici, en France, j'ai menti à toute la famille, parce que ni l'un ni l'autre de mes parents ne se sentaient le courage de passer un Noël à entendre répéter combien ils avaient échoué avec mon éducation, ou de quelle façon leur choix de s'expatrier est responsable de mes errances.
Parce qu'il faut rivaliser, du côté de mon père, avec les écoles de commerce qu'ils font tous, le bel avenir auquel chacun d'entre eux est destiné, quand ce n'est pas les 17/20 de moyenne de mes cousines au lycée qu'on ressort entre chaque coupe de champagne.
Et c'est en répétant, oui, oui, j'aime ça, sauf un peu les maths et la physique, que je me rends compte, encore plus, que je n'ai fait que me mentir à moi même depuis deux ans et quelques.

Il n'y a qu'une fois par an que je peux me bourrer la gueule au champagne, et critiquer le foie gras maison de l'une ou l'autre de mes tantes, pas assez cuit ou mal dénervé... alors je ne regrette pas mes mensonges, quand pourtant la révélation aurait pu faire de moi le grand sujet des réveillons, puisque j'ai pu en profiter tranquillement.

Je l'ai fait. J'ai pris la première grande décision de ma vie. Je suis sortie de mon rail.
Un certain épuisement, et une grande tension tant que je n'en ai pas parlé avec mon père. J'ai besoin de savoir ce que va être ma vie, avant la rentrée universitaire de septembre prochain. J'ai besoin de savoir s'il va m'en vouloir à vie d'avoir failli dans mon projet d'études qu'il affectionnait tant, j'ai besoin de savoir si mes parents vont continuer à me soutenir financièrement, j'ai besoin de savoir s'il accepte mon futur projet d'étude, j'ai besoin de savoir s'il va me faire une vie impossible pendant des années...

J'irais en Lettres à l'université, ou en sciences sociales et politiques, je veux faire du journalisme ou enseigner. Je veux écrire, aussi con ou prétentieux que ce souhait puisse avoir l'air d'être.

Et je ne veux plus jamais mettre trois ans à savoir ce que je veux.

Je ne dors pas très bien. J'ai peur de retourner vivre chez mes parents. J'ai peur d'entendre V. me dire qu'il préfère qu'on se sépare.
J'aimais bien mon chez moi Lausannois, j'y avais mes habitudes et je m'y sentais bien. J'y ai grandi beaucoup.
Mais je me sens beaucoup plus sûre de moi. Moins perdue. Décidée.

20 décembre 2006

J'ai envie d'arrêter. J'ai envie d'arrêter, j'ai envie d'arrêter, j'ai envie d'arrêter, j'ai envie d'arrêter... ça tourne et retourne dans ma tête, ça ne s'arrête pas. J'ai envie d'arrêter.
[Parfois, un instant, la rengaine change : C'est qui cette Julie ? C'est qui cette fille ? Il lui parlait hier soir sur msn, il essayait de cacher, avec une grande nullité. J'ai vu son nom, mais pas ce qu'ils se disaient. Aujourd'hui, je vais oser, je vais lui demander. Mais bordel, c'est qui cette Julie ? (joli prénom)]
J'ai envie d'arrêter. Je ne l'ai dit à personne, mais j'ai très envie de ne plus revenir ici, à l'E..., après Noël.
J'aurais envie, aussi, de revenir en arrière, d'avoir à nouveau 18 ans et mon bac, et de choisir ma vie différemment. N'avoir pas choisi ici, ou l'avoir choisi plutôt. N'avoir pas opté pour la seule alternative que j'avais à un redoublement de ma terminale.

C'est con, sûrement, mais c'est comme ça. J'ai plus l'envie de me battre. J'ai envie de fermer cette parenthèse, Luce contre l'ingénieurie. J'ai perdu, et c'est avec regret, parce qu'un barrage, j'y tenais, parce qu'un pont audacieux, j'en rêvais.

V., je ne le trouve pas sur msn, alors ma grosse question, mon grand moment de ridicule à me montrer jalouse, il va falloir le remettre à plus tard.
Son cadeau de Noël lui a plut. Ou sinon il fait semblant quand il l'affirme (pas le m-budget que je n'ai pas encore reçu, mais l'autre).

Il a bien dit qu'il m'aimait hier soir, mais je ne sais pas si ça compte, puisque c'est tellement fréquent. (Ah ah, une fille qui se plaint que son copain lui donne du je t'aime à tort et à travers.)

Et deux heures s'écoulent...

D., l'ami de V. qui est dans la classe de A., est venu me parler tandis que je parlais à V. sur msn, sans lui demander c'est qui cette Julie ?, pendant 45 minutes. A. ne l'aime pas. Moi je me contente de lui dire bonjour quand je le croise, alors je ne lui ai jamais vraiment parlé. Ce que j'ai trouvé ? Un type plutôt sympa. Il parle, il écoute, assez humain, somme toute, heureusement c'est pas le J. de ma classe qui vous raconte sa vie, sa vie sur l'autoroute entre les camions et les gens qui savent mal conduire (balances ou verseaux, si on en croit l'étude passionnante dont parle le 20minutes d'aujourd'hui) au moindre prétexte. Mais il est gentil, J., si ce n'est qu'il fait trop son monsieur je sais tout.

Et bien plus tard...

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Grand moment de communication smsiène :

V. à Luce, 20h09 :
"Faut pas pleurer... Bonne soirée. Bisous."

Luce à V., 20h15 :
"Faut pas se tromper de destinataire quand on envoie un sms. Ou s'il était pour moi, je comprends pas."

V. à Luce., 20h21 :
"Non non il était bien pour toi... Je tentais de faire marcher ma télépathie. Mais sans grand succès. Bisous.".


Si tu essayais de me quitter télépathiquement, crétin, ça me fait pas pleurer, au contraire, je saute de joie.

Mais je ne le dis pas. A la place je vais manger. Vaut mieux pas chercher.

EDIT :

Luce à V., 20h58 :
"Pour me dire des trucs sensés me faire pleurer, le vrai langage humain marche mieux. Bisous."

V. à Luce, 21h16 :
"J'ai rien à te dire de triste... Mais je ressentais que quelque chose n'allait pas pour toi. Bisous."

Mouhahaha.
Assez rigolé, j'ai toujours pas mangé. Et si tout est vrai depuis le début, parce que n'oublions pas Julie, il n'y a pas à dire, ce garçon est adorable, et je l'aimeuh. Mais s'il se raccroche aux branches depuis une heure, simplement parce que le hamster de Julie est mort et qu'il s'est trompé de destinataire en lui adressant ses maladroites condoléances, en plus d'être plutôt débile, il est au moins très drôle.

12 décembre 2006

Fin du test bonus. Rendre deux feuilles. Deux feuilles presque blanches. Balancer carte d'étudiant et autre bordel rageusement dans le sac. Partir.
Mentir par sms à son amoureux. Oui, je crois avoir au moins la moyenne, mais moins que la moyenne de classe.
Avoir envie d'appeler sa mère. J'veux abandonner. J'veux plus devenir ingénieure.

Parce que j'ai bossé pour ce test. Parce que je me sentais prête. Parce que je suis dégoûtée de tout ce travail qui m'intéresse sans me passionner, mais que je fournis régulièrement, sans qu'il ne serve à quoi que ce soit.

Je sais plus. Je sais pas. Je saurais jamais.
Reste que j'ai l'impression d'avoir gâché trois ans de ma vie. Reste que je ne suis plus sûre d'avoir envie de persévérer. Reste que quoi que je puisse décider, je vais le regretter.

Je peux dire à mes parents : "J'arrête.". Je peux rentrer à la maison et bosser pour mon bac, puisque je suis inscrite. Mais voilà, y'a ça : Rentrer à la maison. J'ai pas envie de rentrer à la maison. J'ai pas envie de déclarer forfait.
Mais si en février mes résultats sont médiocres, je suis obligée d'arrêter. Et il ne me restera plus que trois mois pour réviser le bac, auquel je suis obligée d'avoir 12. Arrêter maintenant, ça veut peut-être dire sauver cette année, vu que plus j'attends, moins j'ai de chances d'avoir la mention.

Je suis à un croisement : coup de pied au cul (faire plus, encore plus) à droite, ou à gauche retour à la maison, tête basse.

C'est une décision de poids. L'horrible décision.
Faire une liste à deux colonnes, l'une de "plus", l'autre de "moins", ça ne suffit pas, ça ne peut rien faire avancer. Simplement parce que la liste est pleine d'implications, de conséquences, de suites logiques.
Je peux continuer, je peux continuer, je peux y arriver. Mais ça veut dire continuer, encore longtemps, encore 4 ans et quelques. Arrêter, c'est dur, parce ça veut vraiment dire, j'ai perdu trois ans de ma vie. Mon bac, je l'ai passé, je l'ai eu, j'avais 18 ans, et c'était déjà tard. Recommencer à 21, c'est pas de gaieté de coeur. Et après, faire quoi ? Arrêter ça veut dire devoir faire un autre choix...

Je perds beaucoup trop de temps à me chercher. En trois ans, je n'ai pas tellement avancé. Je n'ai toujours pas trouvé ce qui est important pour moi.


Et ce que la petite voix intérieure me dit de faire ? Elle me dit abandonne. Mais je sais qu'elle n'est jamais de bon conseil. Juste un petit diable, pas d'angelot pour me montrer le bon chemin.

11 décembre 2006

Je viens de commander un boxer m-budget pour le Noël de V. Et il n'aura rien d'autre (ça c'est pour lui faire peur s'il lit). Sachant que c'est sa mère qui lui fait sa lessive, j'imagine un dialogue mémorable entre mère et fils :
"C'est toi qui t'es acheté cette horreur ?".
"Non, ma copine.".
... durant lequel je vais encore passer pour une crétine finie. Mais ça me fait rire.
Sachant que les filles que je fréquente habituellement sont persuadées que V. et moi entretenons des rapports proches du sadomasochisme, si j'en crois les suggestions de cadeaux de Noël qu'elles m'ont faites, je me demande ce que va imaginer sa mère en découvrant que je trouve très amusant d'envelopper les parties génitales de son fils unique dans un emballage estampillé M-Budget...

Plus sérieusement, s'il va effectivement avoir ça pour Noël, il devrait aussi avoir un autre cadeau, mais je ne sais pas quoi lui acheter, à 14 jours de Noël et 11 jours de mon départ pour la France, je commence à m'inquiéter un tout petit peu de mon manque d'inspiration, et de la réticence de l'intéressé à me donner quelques idées... et sans parler de son anniversaire dans deux mois.

Neuf mois qu'on se connaît virtuellement dans 4 jours, le 22 neuf mois qu'on s'est vus pour la première fois, et le 30 neuf mois "ensemble". Parfois j'ai l'impression que ça s'est fait trop vite.

01 décembre 2006

Cette semaine, il ne l'a pas dit. Il n'a pas dit : "Tu me verras pas avant samedi soir.". Et pourtant je ne le verrais pas avant samedi soir, alors que la semaine dernière il était venu, je crois, où j'étais allée, je ne sais plus, chez moi ou chez lui.
Etant chez mes parents samedi, je loupe les portes ouvertes du chantier M2, ce qui m'intéressait tout plein.
Autrefois, au début, quand on se quittait, il demandait toujours : "On se revoit quand ?". Comme on en parlait, on arrivait à trouver un moment. Il a ses cours, j'ai les miens, il a son travail, et je passe tout mon temps libre à m'occuper de mes cours, encore et encore, pas mal occupés tous les deux, et je sais aussi qu'il a toujours très peur d'empiéter sur mon travail scolaire... alors qu'en fait, c'est en me manquant qu'il me distrait. Et comme je ne sais jamais quand je vais le voir, je me fais soit de faux espoirs, soit je ne m'organise pas en conséquence si une occasion imprévue de le voir se présente, d'où une certaine perte de temps.

Et on citera Maurice Chappaz aujourd'hui, dans une rencontre avec les élèves du collège de Saint-Maurice. "Plus vos études seront inutiles, plus elles vous serviront. Aimer est inutile, comme le bonheur, la beauté, la musique, la poésie, notre présence à l'instant - tout cela est inutile, mais c'est cela même qui compte le plus dans notre vie, autant que ce verre d'eau.".